Histoire du cinéma de la Plage - Hauteville - La Famille Morbu

article de L’ÉCHO DES BOBINES numéro spécial : les 40 ans du cinéma de la Plage (2000)

 

Préambule

Au mois de Juin le « Cinéma de la Plage » fêtera ses 40 ans d’existence.

Que de chemin parcouru depuis ces séances dont quelques-uns d’entre nous se souviennent encore pour avoir eu les pieds dans le sable et le bas du dos endolori sur les sièges en bois. Le cinéma est l’œuvre d’un couple passionné : Monsieur et Madame Mordu qui l’ont construit et en ont amélioré peu à peu la technique, le confort et la décoration. L’adjonction d’une deuxième salle leur a permis d’enrichir la programmation. Après le décès de Monsieur Morbu, le rachat du cinéma par la Communauté de Communes du canton de Montmartin marque une étape importante. Dès lors, c’est une équipe de bénévoles enthousiastes motivés qui, au sein d’une association, en assure désormais la gestion. Le « Cinéma de la plage » a opéré une transformation significative : d’un petit cinéma de vacances il est maintenant devenu un cinéma réputé et s’est constitué un public régulier et fidèle, attiré par la qualité de sa programmation, son accueil sympathique, son confort et ses prix modiques.

Cette expérience confirme qu’un certain cinéma à encore de beau jours devant lui, loin des grandes salles multiplexes et de la rentabilité à tout prix.

Danielle Lemay

 

1935

 Un Noël en région parisienne, Jack Mordu a 14 ans et son père lui offre un projecteur « Pathé Baby » en 9,5 mm. Quel cadeau plein de rêves ! Jack et son amie Renée, qui fait également partie de ses espoirs puisqu’elle deviendra plus tard sa femme, ont pour objectif : crée leur propre cinéma. Hélas, la guerre survient et les projets sont mis en sommeil.

 

1945

La France fête sa délibération et les projets renaissent. Les deux jeunes gens âgés de 24 et 15 ans se retrouvent. Leu envie de gérer une salle de cinéma est toujours aussi forte. Jack hérite de son grand-père et l’acquisition est maintenant possible. Des marchands de fonds de Paris les dirigent vers l’Indre ; mais ce n’est pas de coup de foudre. Un ancien habitant de Coutances, Monsieur Picard met en vente son fonds d’exploitation de la salle des fêtes de Lingreville que lui avais concédé le Conseil Municipal. Bien que n’ayant aucune attache dans la région, le couple s’y plaît, saisit l’opportunité de cet achat et s’installe dans une petite maison en bordure de la ligue de Hauteville-Plage.

Une salle de cinéma avait été construite dans cette commune. Cependant, elle n’était plus exploitée et le local était transformé en logements de vacances. Le bâtiment, toujours existant, est reconnaissable et a gardé une partie de son allure. Aucun film n’avait été projeté dans la salle de Lingreville qui n’est meublée que de quelques sièges et ne possède aucun appareil de projection.

Beaucoup de travail reste à faire et il faut attendre la fin de l’année pour la première projection (en 16 mm !).

Le cinéma ne semble pas être bien accueilli par tout le monde. De nombreuses coupures d’électricité survienne souvent après le générique des actualités. EDF Procède alors la vérification de tous les compteurs du bourg, on va même jusqu’à monter dans le clocher pour repérer où se situe la panne. Les problèmes électriques, provoqués ou non, disparaissent au bout de quelques semaines. Les affiches de « French-Cancan » Montrant les dessous juponnés des danseuses sont « barbouillées » de peinture : la morale est sauve…

Il n’est pas facile d’innover.

Le cinéma est également itinérant : des projections sont organisées dans diverses salles du centre Manche sous le sigle « Cinévog ». Le couple n’a pas de voiture et le vélo transporte les affiches, les projecteurs, les bobines de film, l’écran et son cadre de bois « fais maison », ainsi que l’opérateur ! Chapeau l’équilibriste ! Les films arrivent et repartent de la gare de Granville et les transports s’effectuent toujours « A bicyclette » Cependant, malgré la fatigue, quelle satisfaction de voir arriver au cinéma de joyeuses bandes venant à pied de Quéttreville, voir même de Trelly.

 

1947

Monsieur Morbu organise une séance hebdomadaire à l’ancienne mairie de Montmartin (la cabine de projection est disposée dans l’angle gauche de la salle). Ne possédant qu’un seul appareil de projection, il fait appel à Monsieur Pessin, chauffeur de taxi à Hauteville sur mer, pour transporter le matériel entre Lingreville et Montmartin. La qualité des projections ne cesse de s’améliorer. Les grandes bobines permettent de plus lire sur l’écran : « La suite dans un instant ».

Plus tard, Montmartin est doté d’un poste fixe et les projecteurs sont équipés d’une lampe à arc. Enfin, les films arrivent en gare de Quéttreville. Quel soulagement !

 

1952

Monsieur Lassagne, propriétaire de l’hôtel « Normandy » (transformé en 1970 en appartements « La résidence Normandy »), agrandit ses locaux et propose à Monsieur Morbu d’assurer des projections dans la salle de danse pendants la saison estivale. De nouveau, il faut transporter le matériel entre Lingreville et Hauteville et décision est prise d’acheter une 2 Cv livrée au mois de Juin.

 

1954

Acquisition d’un nouvel appareil pour équiper Hauteville-plage en poste fixe.

 

1956

Monsieur et Madame Morbu achètent le droit d’exploitation des salles municipales de Hambye et Cerisy la Salle puis de Gavray. Ainsi, les 15 séances hebdomadaires, de la saison estivale, sont réparties entre : Lingreville (4), Montmartin (3), Hambye (1), Cerisy (3), Gavray (1), et Hauteville (3). Que d’allers et retours ! Mais « La vie est belle » et la 2 Cv va bon train.

 

1959

Le affaires sont florissantes et les époux Morbu décident de construire leur propre cinéma. Le terrain est acheté à la municipalité d’Hauteville. Les travaux de maçonnerie sont effectués par Monsieur Delahaye de Lingreville et par Monsieur Morbu qui tient le rôle de manœuvre. La charpente métallique est réalisée par Monsieur Léonard de Saint-Pair. Un ami, gros marchand de matériaux, fournit très gentiment les briques et accepte de n’être payé qu’après la saison.

 

1960

Début Juillet c’est enfin la première séance au « Cinévog ». L’unique salle peut accueillir 320 spectateurs mais les conditions de projection sont assez pittoresques pour « Les visiteurs du soir »

¨Les murs de briques sont recouverts de panneaux de laine de verre

¨Le plafond est en grillage recouvert lui aussi de laine de verre

¨Une ancienne table de toilette en marbre blanc fait office de caisse de recette

¨Les spectateurs sont assis sur des « Claquettes » en bois et leurs pieds reposent sur le sable

Les recettes de ces périodes fastes sont réinvesties chaque année pour améliorer l’aménagement de la salle et le confort des spectateurs.

 

1968

Les copies au format 16 mm sont devenus difficiles à trouver. Il est décidé d’arrêter l’exploitation des salles de Lingreville, Hambye, Cerisy la Salle et Montmartin pour se consacrer uniquement à Hauteville-Plage.

 

1969

Monsieur Morbu s’équipe en 35 mm. Les propriétaires s’investissent alors dans la décoration du cinéma, actuellement encore en place. Ils ne font appel qu’à un seul professionnel : Monsieur Hébert, pour coller la moquette. Bien des clous enfoncés et « Si j’avais un marteau » Est d’actualité…

Les fauteuils de velours apparaissent. Ce nouveau confort réduit la capacité à 270 places.

 

1976

Trente ans de vie d’exploitation cinématographique se sont écoulées et le but est presque atteint. Mais c’est mal connaître Monsieur et Madame Morbu de croire qu’ils allaient en rester là…

En effet, ils décident de visiter les stations de sports d’hiver afin d’y installer une salle saisonnière. Malheureusement les places sont déjà prises.

Le sort en est jeté. Ils se lancent dans l’agrandissement : Construction du hall et dans l’embellissement : remplacement d’une partie de fauteuils « relax » ; ce qui réduit l’accueil à 240 places.

 

1980

Jamais à court d’idées, Monsieur Morbu envisage la construction d’une deuxième salle de 104 places.

 

1982

Construite par une entreprise de Paris, la salle 2 ouvres ses portes. Un plus large choix de films devient possible et permet la présentation de 14 films par semaine tout au long de l’été.

 

1983

Novembre : la maladie du propriétaire du cinéma oblige madame Morbu à le gérer seule. Des opérateurs-projectionnistes l’aident dans cette lourde tâche. Notons : Patrick Anger, puis les frères Jean-Michel et Olivier Beaufils et enfin le père, Michel Beaufils, qui l’accompagnera jusqu’à la fin de l’exploitation.

 

1985

Fatale année avec le décès de Monsieur Morbu le 6 Mars.

 Le Cinévog est en deuil mais il survit grâce au courage et à la ténacité d’une femme toujours aussi passionnée qui veut poursuivre l’action de son mari et reste présente à son pote. Avec la même énergie, « Le spectacle continue » Jusqu’en 1990.

 

1991-1994

Les vacanciers sont attachés à leur cinéma. Madame Morbu commence à être fatiguée et ne veux pas décevoir. Dilemme ! Elle ne veut pas abandonner l’œuvre d toue une vie et fait tout pour que le cinéma ne tombe pas dans l’oubli et ne devienne qu’un simple souvenir, découvert un jour sur une carte postale jaunie. Aucun repreneur privé n’est intéressé.

 

1995

Monsieur Beck, Président de la Communauté de Communes du canton de Montmartin-sur-mer et son équipe, désirent conserver cette activité culturelle. Des pourparlers sont engagés Comment en assurer le fonctionnement ? Des rencontres avec les habitants sont programmées. L’association Génériques de la F.O.L de Caen est consultée. Philippe Clément, son secrétaire, organise déjà des séances cinématographiques itinérantes et soutient des cinémas associatifs.

 

31 Décembre 1995

Acte de vente. C’est avec soulagement et satisfaction que Madame Morbu voit l’adoption de « son enfant » se réaliser.

 

1996

Association du Cinéma de la plage ;

Sous ce titre, le flambeau est passé à une cinquantaine de bénévoles, inquiets mais enthousiastes, en cette soirée inaugurale du 18 Janvier.

Le Présidents, Gabriel Viandier, canalise avec plus ou moins de réussite, les énergies débordantes. Depuis l’ouverture, de nombreuses animations se succèdent et la programmation votée par l’équipe est appréciée, alors : Offrez-vous du plaisir avec le cinéma.

 

1998

La salle 2 est classée, par le CNC (Centre National de la Cinématographie), première salle « Art et essai » de la Manche.

 

2000

Année symbole, année évènements, année anniversaire

Le 5 mars nous accueillons le 100 000ème spectateur.

Le 30 Juin, nous fêtons le 40ème anniversaire de ce site cinématographique.

Que sera la suite ? Beaucoup d’espérance, de projet, afin que se perpétue ici la magie du cinéma, avec sa part de rêves, différemment et loin des nouveaux monstres de rentabilité.

Alors longue vie au : Cinéma de la plage

 

TEXTE : MONIQUE GARCENOT, STEPHANE BIDAN.

RELECTURE : GABRIEL VIANDIER, PHILIPPE CANUET, DANIEL CARIOU.

MISE EN PAGE : PIERRE LEMAY, ARNOLD LECORDIER